Rosetremiere
Août/Octobre 2014, 105x143cm, tissus lin, fil coton

J’avais terminé la meule de paille. J’avais commencé une carte du monde. Que j’ai brûlée. J’avais commencé une ruelle que j’ai brûlée. J’avais commencé à aller voir ailleurs. La performance. La parole. Travailler à plusieurs. L’art in situ. Juillet. Août. Et puis comme dans un sursaut, parce que le tissus me manquait, le toucher du lin, l’humilité du fil, j’ai étalé seule au sol le reste du grand tissus que j’affectionnais, dont j’avais découpé un morceau pour le rond rouge. Je l’ai regardé longuement. Le pliant, le tournant. Il y avait sur le côté du tissu une large reprise. Qu’allais-je en faire? Quelle grandeur? Je coupe? Je laisse? Comment intervenir sur ce tissu? Et un petit train de questionnements infini commençait à revenir. Il s’agit parfois de laisser faire. De respirer. D’écouter la vie. Faire confiance. Observer. Se vider de toute idée, de toute volonté, de toute projection. Être là. Je revenais à la broderie avec humilité. Laissant de côté mes grandes revendications, mes grandes idées prétentieuses de révolution, je ne pouvais que méditer et laisser venir. Laisser le mental ronger son mantra et respirer. Être au service de l’émotion, de la vie qui nous entoure. Je cherchais ce calme. Et je vis en face de moi, au milieu du jardin la grande rose trémière qui avait poussé là tout l’été et qui atteignait maintenant presque trois mètres. C’était elle que j’allais broder.

Sur le grand tissu. Grand comment? Grand. Que l’on doive lever la tête pour voir le haut de la rose. Comme dans le jardin. Grand avec le rapiéçage à gauche.

A force de regarder des images, de travailler la composition, d’en connaître les significations, d’étudier la peinture et le cinéma depuis l’enfance, la connaissance devient intuitive – je remercie les années – elle se fond avec le sentiment.

Le rapiéçage sera à gauche.

Si on me demande de parler de cette broderie, je peux dire cela, en ne sachant plus si ce que je dis est le fruit d’une connaissance connue de beaucoup ou sensible, si mon intuition établit des vérités toute seule, peu importe : il me semble qu’au cinéma quand un personnage traverse le champ de la caméra, s’il le traverse de gauche à droite, il va ; s’il le traverse de droite à gauche, il revient. La troisième rose regarde le rapiéçage, qui est positionné à gauche.

DetailrosetrSite

Alors je vais vous raconter mon film, mais ce ne sera peut-être pas le vôtre et tant mieux. Il y en a 3, comme pour les trois âges, comme pour la trinité, comme pour le plein, le vide et le UN, comme pour la grande et forte, la grande moins forte et délicate, et la moins grande qui plie, mais ne casse pas. Trois caractères différents sous le même nom. La troisième regarde en arrière, le temps passé, le temps raccommodé. La première file vers le soleil et la lumière. Celle du milieu est.